Le licenciement du travailleur nécessite le respect d’une procédure rigoureuse encadrée par la loi. Ce mode de rupture des relations de travail expose souvent l’employeur à des poursuites judiciaires initiées par les ex-travailleurs.
C’est pourquoi, afin d’éviter les risques de contentieux découlant du licenciement, les employeurs abandonnent peu à peu ce mode de rupture et préfèrent négocier avec le(s) travailleur(s) dont ils entendent se séparer en proposant un départ négocié formalisé par la signature d’un protocole de rupture amiable du contrat de travail.
De même, s’entendre sur les modalités de rupture et les matérialiser dans un protocole d’accord ne semble pas suffisant pour mettre les employeurs à l’abri d’une poursuite judiciaire devant le Tribunal du Travail.
En effet, la pratique a montré que certains travailleurs n’ont pas hésité à attraire par devant les juridictions sociales compétentes, leurs anciens employeurs qui se croyaient déjà « couverts » par la signature d’un protocole d’accord.
A contrario, des travailleurs ayant signé un protocole de séparation amiable ont vu leurs employeurs manquer à leurs obligations découlant de cet accord, surtout lorsqu’elles sont à exécution successives (ex : étalement du paiement de certaines indemnités sur plusieurs mensualités).
C’est pourquoi il est plus sécurisant pour les parties, après avoir signé leur accord sur la rupture de leurs relations professionnelles, de rendre celui-ci exécutoire par la procédure d’homologation par l’organe compétent.
Dans cette perspective, c’est le lieu de partager avec les employeurs et les travailleurs un très bref aperçu de l’homologation du protocole de rupture amiable du contrat de travail en droit sénégalais.
Dans la rigueur des principes, l’homologation du protocole de rupture obéit à un formalisme dualiste convoquant l’intervention de l’Inspecteur du Travail (I), que celle du Président du Tribunal du Travail (II) qui lorsque toutes les conditions de fond et forme sont réunies rendra une décision d’homologation (III).
I- L’inspecteur du travail et de la sécurité sociale :
En vertu des dispositions de l’article L64 du code du travail, l’employeur informe l’inspecteur du travail et de la sécurité sociale du protocole de rupture du contrat de travail signé avec le travailleur.
L’inspecteur du travail a uniquement un rôle consultatif dans le cadre de la rupture amiable du contrat de travail.
Toutefois, la jurisprudence sénégalaise retient que l’information à l’inspecteur du travail est une formalité obligatoire[1].
Cette information à l’inspecteur du travail se fait au moyen d’une lettre à laquelle est jointe un exemplaire de l’accord.
Toutefois, il faut souligner que dans la pratique l’employeur transmet à l’inspecteur du travail une lettre accompagnée des documents suivants :
- Quatre exemplaires du protocole ;
- Quatre exemplaires de la déclaration de mouvement du travailleur ;
- Certificat de travail ;
- Solde de tout compte.
A la suite cette transmission, l’inspecteur du travail convoque les parties à comparaitre dans un délai de sept (7) jours ouvrables en moyenne pour constater l’accord des parties et s’assurer que les stipulations du protocole sont conformes à la législation en vigueur et que les droits du travailleur ont été respectés.
Le cas échéant, l’inspecteur du travail appose sa signature et son visa sur les exemplaires du protocole et de la déclaration de mouvement.
Dans un délai optimal de trois (3) jours, l’employeur retire trois exemplaires du protocole et de la déclaration de mouvement au niveau de l’Inspection du travail
Cependant, la signature et le visa de l’inspecteur du travail n’ont pas valeur d’homologation.
En effet, seul le juge est habilité à homologuer un acte juridique et lui conférer la force exécutoire après contrôle de la légalité.
II- Le Président du Tribunal du Travail :
La décision d’homologation du procès-verbal du protocole de rupture amiable du contrat de travail relève de la compétence exclusive du Président du Tribunal de Travail.
Le Tribunal du Travail compétent est celui du lieu du travail.
Mais, si c’est le travailleur qui initie la procédure, il peut soit saisir le Président du tribunal du travail de sa résidence habituelle située au Sénégal, soit le Président du Tribunal du lieu du travail.
En outre, une action judiciaire pour licenciement abusif n’ayant pas été initiée par le travailleur, le Président du Travail de travail doit être saisi par une requête aux fins d’homologation à l’initiative d’une des parties ou même conjointement.
La demande est accompagnée de trois (3) exemplaires du procès-verbal du protocole de rupture amiable du contrat de travail.
Une fois que la requête a été déposée, le Président du tribunal du travail convoque les parties dans le délai de sept (7) jours ouvrables en moyenne en vue de constater leur consentement et vérifier si les dispositions du protocole sont conformes à la législation en vigueur.
III- La décision relative à l’homologation :
L’audience statuant sur la décision de l’homologation protocole de rupture amiable du contrat de travail, se tient en chambre du conseil.
Les parties peuvent donc comparaitre elles-mêmes ou se faire représenter par leurs conseils à savoir un Avocat ou un mandataire syndical pour les personnes physiques.
Les personnes morales sont représentées obligatoirement par Ministère d’Avocat[2].
Si après vérification et après avoir entendu les parties ou leurs représentants il constate que toutes les dispositions légales relatives aux droits du travailleur ont été respectées, il donne acte aux parties de leur accord en procédant à l’homologation du procès-verbal du protocole de rupture amiable séance tenante.
Si l’homologation est accordée, chaque partie pourra dans un délai optimal de sept (7) jours ouvrables se faire délivrer un exemplaire du procès-verbal du protocole de rupture amiable du contrat de travail par le service du greffe du tribunal du travail saisi si elle en fait la demande.
Le procès-verbal ainsi dressé sera estampillé de la formule exécutoire apposée par le Greffier en Chef du Tribunal du Travail qui donne au procès-verbal la valeur d’une décision juridique exécutoire.
En d’autres termes, si l’une des parties manque à son obligation découlant pour elle du procès-verbal de conciliation l’autre partie à la possibilité de l’y contraindre directement en procédant à l’exécution forcée du procès-verbal.
A défaut, si le juge estime que certaines dispositions légales n’ont pas été respectées ou que les résolutions prises par les parties sont de nature à violer les droits du travailleur, il rejette la demande de l’homologation du protocole en indiquant aux parties le motif.
Cependant, les parties bénéficient toujours de la
possibilité d’introduire une nouvelle requête en tenant compte du motif du
rejet du Président.
[1] Cour suprême, arrêt n° 06 du 13/02/2013 , https://juricaf.org/arret/SENEGAL-COURSUPREME-20130213-06)
[2] Article 5 du règlement n°5/CM/UEMOA relatif à l’harmonisation des règles régissant la profession d’Avocat dans l’espace UEMOA